Nervous breakdown

La magie se dissipa mais Susan réalisa bien vite ce qu'il venait de se produire. Ils avaient été rappelés. Respirer devenait difficile, le corps entier parcouru de tremblements incontrôlables... Susan avait l'impression de vivre une hallucination. Elle réalisait avec horreur qu'ils étaient encore de retour. Combien d'années après cette fois ci ? Une ? Cent ? Trois mille ? Ses frères et sa sœur étaient éberlués de voir la douce Susan dans cet état. La grande sœur et la maman improvisée de la fratrie transformée en furie. Hystérique, elle avait l'air d'une folle, les yeux écarquillés et rougis. Et cet étonnement sincère et inquiet sur le visage des autres Pevensie décupla la sensation de confusion de la jeune femme. Ils ne comprenaient pas ? Serait-ce encore une nouvelle farce ? Lui faire miroiter ce pays si beau et tant aimé, pour ensuite la chasser de nouveau ?

Elle hurla et leur déversa tout ce qu'elle avait sur le cœur. La voix tremblait sous les sanglots et les joues ruisselaient de larmes. Elle voulait retourner à Londres sur le champ. Les Pevensie n'étaient appelés que lorsque le malheur et la désolation touchaient Narnia, pour ensuite leur refuser le bonheur d'y vivre pour toujours. On ne lui donnait qu'un simple rayon de soleil, plein d'espoir certes, mais pour ensuite lui enlever sans pitié. Maintenant elle avait peur d'aimer de nouveau Narnia, car on lui arrachait toujours cette affection par la suite. Elle avait tout fait pour oublier car se remémorer Narnia la faisait tellement souffrir. Elle ne voulait plus souffrir.

Susan aimait tant Narnia et ses habitants qu'elle aurait voulu y passer le reste de son existence. Ce qui lui fut toujours refusé. Amour contrarié, amour impossible apparemment.
Voilà pourquoi elle s'était donnée pour mission de construire sa vie comme elle l'entendait à Londres. Son voyage aux Etats-Unis l'avaient propulsée dans la vie d'adulte. Elle était ensuite revenue en Angleterre pour planifier et étudier en vue d'une future carrière, peut-être trouver l'amour dans son pays natal. C'était du concret, pas du rêve. Un destin qu'elle pouvait tracer elle-même. Mais même cela était remis en question à cause des allers retours incessants. Où était sa véritable vie du coup ? Elle était complètement perdue.

C'est Peter qui vint pour la calmer et l'enlacer dans ses bras. Le pauvre se prit certainement une gifle et des coups sur le torse. Mais il était plus fort qu'elle et bientôt elle se retrouva coincée dans ses bras. La tête posée sur l'épaule de son frère, il se passa un long moment où elle ne fit que pleurer. Les paroles étaient inutiles pour le moment. Susan avait toujours été proche de son grand frère et sa simple présence la réconforta...  

Calmée car tout simplement trop épuisée pour hurler et parce qu'elle n'avait plus de larmes à verser, Susan marcha comme une somnambule en direction de la clairière des Mirages. Elle avait la sensation d'être une poupée de porcelaine toute fissurée. Légère, aucune douleur mais aucune émotion.

Sa pire crainte se réalisa lorsqu'elle vit de loin Caspian. C'était trop cruel de le revoir de nouveau après tous ces efforts pour l’oublier et renoncer à lui. Susan se comporta instinctivement de manière extrêmement grossière avec lui, ne lui adressant pas un mot ni un regard. Elle n'aurait rien pu lui dire de toute façon, elle avait la sensation de passer ces retrouvailles en apnée. Comme une automate elle remercia les Narniens qui lui dressèrent sa tente royale dans la clairière pour ensuite aller s'effondrer à l'intérieur, l'esprit pris dans un tourbillon et le corps endoloris de courbatures.  

Cette journée traumatisante laissa Susan changée. Toujours charmante et polie en apparence mais beaucoup plus effacée, le regard anxieux ou mélancolique. Peter et Edmund prenaient les choses en main, elle laissait faire ou donnait des conseils d'une voie douce mais monotone. La jeune femme est à fleur de peau, statue de cristal pouvait se briser encore à tout moment. La jeune femme se fait également un sang d'encre pour Lucy, partie pour une mission diplomatique à Archenland. La situation était déjà si difficile, mais désormais elle craignait même pour la survie des gens qu'elle aime, sachant qu'elle ne se remettrait jamais de les perdre...